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Ça part dans tous les sens !

Oui, dans un cerveau, sur le plan du câblage, ça se croise de partout, ça repart en arrière, ça part en boucle… alors est-ce pour autant le bazar dans votre boîte crânienne ? Oui et non ! Ce n'est pas une réponse de Normand, encore moins de dégonflé. expliquons-nous :


NON, ce n'est pas le bazar :
En fait nous possédons dans notre cerveau des zones dédiées à certaines fonctions: la zone de la vision se trouve à l'arrière au-dessus de la nuque, la zone du langage est située pour la plupart d'entre nous du côté de notre oreille gauche...etc…
Ainsi, de nombreuses aires cérébrales assurent des fonctions bien identifiées. Elles sont reliées entre elles par des millions de connexions qui permettent de traiter l'information dans ses multiples composantes.
Pour mieux comprendre, prenons l'information suivante : vous visionnez une vidéo de votre belle-mère. Que se passe-t-il dans votre cerveau à ce moment-là ? Dans votre aire visuelle, certains groupes de neurones vont s'attacher aux formes, d'autres aux couleurs, d'autres encore au mouvement…etc. toutes ces informations vont être regroupées dans l'aire de la reconnaissance des visages. Là vous allez identifier votre belle-mère même si elle fait une grimace ou qu'elle est coiffée différemment de d'habitude. Puis vos aires associatives vont relier les différents éléments de la scène que vous êtes en train de regarder : l'image du lieu et des personnes présentes, le son et les commentaires humoristiques sur la nouvelle coiffure de la belle-mère, etc …..
Pour mémoriser la scène, une petite structure au fond de votre cerveau, l'hippocampe va rentrer en jeu et redispatcher les informations spécifiques dans chaque zone fonctionnelle : l'image dans l'aire visuelle, le son dans la zone auditive... Ainsi pour vous remémorer la scène, votre hippocampe n'aura plus qu'à relier ces aires entre elles. Voici le processus extrêmement simplifié qui relie entre elles de multiples aires de notre cerveau plusieurs milliers de fois par jour. Voilà comment fonctionnent ces réseaux tellement bien huilés qu'ils opèrent la plupart du temps sans que vous en ayez la moindre conscience ! Et pour que tout cela marche aussi bien à chaque fois, c’est probablement que ce 'bazar' dans les réseaux n'est qu'apparent.

                            Monsieur + : La bosse des maths existe-t-elle ?


Autant que la bosse de la philosophie ou celle de la télé, c'est-à-dire nulle part ailleurs que dans le cerveau du fondateur de la phrénologie, Joseph Gall (1758 – 1828). Son idée de départ n'était pourtant pas mauvaise ! Puisque lorsque certaines parties du cerveau étaient lésées, la fonction correspondante n'était plus assurée, il était logique dès lors d'attribuer à chaque zone du cerveau une fonction dont elle serait l'unique responsable. Lorsqu'une blessure de guerre détruisait par exemple une partie de l'hémisphère gauche près de l'oreille, le patient ne pouvait plus parler. Ceux dont la zone cérébrale arrière était touchée devenaient aveugles alors que leurs yeux étaient en parfait état.
Une pseudo-science est donc née de cette notion de zone : la phrénologie portée par ce fameux Joseph Gall, il y a deux siècles environ. Il fit en effet les hypothèses totalement erronées suivantes : la taille des zones dédiées devait être proportionnelle à leur performance et cela devait influer sur la forme du crâne. Il prétendait donc pouvoir connaître les domaines d'excellence comme de faiblesse en palpant le cuir chevelu de tout un chacun.



D'où la "bosse des maths" que certains anciens cherchaient en tâtant consciencieusement voire fièrement l'arrière du crâne de leur descendance. Le succès de la "bosse des maths" montre à quel point cette théorie se répandit à l'époque. Hélas pour Joseph Gall, non seulement les os du crâne n'épousent pas la forme du cerveau puisque c'est exactement le contraire qui se passe, mais sa cartographie cérébrale est totalement erronée. En l'occurrence, nous ne traitons pas les calculs et autres mathématiques à l'arrière du crâne qui est en fait dédié à la vision.
Retenons également pour mieux comprendre notre cerveau que si de nombreuses zones du cerveau sont dédiées à des fonctions bien précises et aussi variées que le toucher, la peur, ou encore la reconnaissance des mélodies, elles sont incapables de produire quoique ce soit seules. Si la zone est détruite, la fonction correspondante n'est plus assurée certes, mais la zone a besoin en général de plusieurs autres pour pouvoir être opérationnelle; une des raisons pour lesquelles le câblage du cerveau semble si complexe : ça part dans tous les sens, ça relie dans toutes les zones !


OUI, c'est le bazar :
L'image ci-dessous montre les réseaux de câbles – axones et dendrites – reliant entre eux la centaine de milliards de neurones qui constituent notre matière cérébrale.



Même un central téléphonique de France Télécom se révèle d'une simplicité enfantine à côté de notre cerveau. Car le nombre phénoménal de connexions n'est pas le seul à complexifier la chose. Le mode de câblage y est pour beaucoup. Tout d'abord, même si toutes les aires ne sont pas connectées avec toutes les autres, nous n'en sommes souvent pas très éloignés. En second lieu, des câblages en sortie de zone viennent réinjecter le signal en entrée de zone et les sous-réseaux travaillent en mode parallèle. Ceci ne se rencontre jamais dans les appareils électroniques puisque ces boucles en perturberaient le fonctionnement, et que leur mode privilégié est le celui en série : une tâche après l'autre, même si c'est très très rapide.

C'est une des raisons pour lesquelles l'intelligence artificielle est loin d'avoir tenu ses promesses bien que justement, les meilleurs cerveaux de la planète se soient penchés dessus. Après les espoirs et déclarations tonitruantes des années 60 au cours desquelles on allait rapidement dépasser l'homme, ou à tout le moins le remplacer et l'assister par des robots, force est de constater 40 ans plus tard que nous sommes bien loin du compte. Un ordinateur n'arrive toujours pas à reconnaître un arbre, un visage suivant ses expressions, un objet qui change d'angle de vue ou une lettre déformée (ce qui est bien utile pour interdire aux robots d'accéder sur un site sur lesquels ils ne sont pas les bienvenus : il suffit de lui demander de lire quelques lettres déformées, il n'y parviendra pas s'ii n'est pas humain.



                         Monsieur + : Reconnaître les lettres déformées :



Il existe dans notre cerveau un niveau de traitement intermédiaire entre la rétine et le niveau de reconnaissance proprement dit qui définit la lettre A par exemple comme conjonction spatiale de 3 traits commune à tous les A. Ces modules de traitement par la forme et non par pixel résultent de l’émergence de propriétés non présentes au niveau inférieur (neurones et câblages). Nous allons revenir en fin de page sur cette notion essentielle de propriétés émergentes lors d'un changement d'échelle ou de niveau.


La reconnaissance vocale n'est toujours pas au point, aucun robot ne parvient à reproduire correctement la marche...etc...à tel point que l'on vise maintenant " l' intelligence artificielle faible " : on parle désormais simplement d'aide à la décision ou à la création.


                          Monsieur + : Qu'est-ce qu'un neurone artificiel ?


Les recherches sur la reconnaissance de la parole, l'évaluation des risques des placements financiers, la conception de circuits de télécommunication utilisent entre autres des neurones artificiels. Ce sont des mini-programmes qui simulent sur un ordinateur ou un circuit électronique, le fonctionnement d'un neurone cérébral. Ils sont mis en réseau selon des règles simples (mais complexes à trouver et mettre en œuvre), pour tenter de reproduire ou faire mieux que le cerveau. Des résultats encourageants ont été obtenus avec certains modèles dans les domaines cités plus haut et en robotique..
Dans plusieurs de ces modèles, les synapses artificiels représentant les poids dans la somme pondérée calculée par le neurone artificiel ne sont pas programmés mais déterminés par apprentissage. Ce qui permet de reproduire une ébauche de la fameuse plasticité du cerveau. Il est tout à fait envisageable que dans un futur plus si lointain que cela, les réseaux de neurones artificiels rendent notre modèle d'ordinateur actuel aussi obsolète que la machine à calcul de Pascal.



Alors comment fonctionne ce bazar ?
Ce bazar apparent, cette complexité, que l'intelligence artificielle ne parvient pas encore à reproduire conduit à faire émerger des propriétés nouvelles pouvant aller jusqu'à la plus improbable : la pensée. Comment, à partir de ces réseaux innombrables et imbriqués les uns dans les autres peut-on faire jaillir une idée ? Comment, à partir de réactions chimiques et d'impulsions électriques peut-on faire naître une image mentale ? Les scientifiques répondent : grâce aux propriétés émergentes. Très bien me direz-vous, et qu'est-ce qu'une propriété émergente ? Pour expliquer cette notion chère aux constructivistes qui laisse cependant transparaître notre relative ignorance, prenons quelques exemples animaliers.


Observons tout d’abord un banc de sardines : il est composé de centaines de poissons qui obéissent juste à quelques règles toutes simples :

‘‘ Sardine :

1- Tu te colleras le plus près possible de ta voisine la plus proche, à distance minimale toutefois d’un coup de nageoire. Lorsque tes capteurs coté droit sentiront une surpression due au fait que ton voisin se déplace vers toi, tu tourneras à gauche. Inversement pour la surpression coté gauche, tu tourneras à droite.

2- Si tu nages sur la périphérie du banc, à savoir si tu n’as de voisine latérale que côté intérieur du banc, alors si tu perçois un danger, tu nageras rapidement côté opposé, autrement dit vers ta voisine immédiate côté intérieur du banc. ’’


Obervant de loin, plus globalement, le prédateur se retrouve alors face à une masse très imposante, qui plus est capable de se déformer très rapidement... alors qu’un poisson tout seul n’est pas déformable. Bien plus stressant que de se trouver face à une petite sardine sans défense.
Ainsi le banc va se déplacer, comme un seul gros animal, avec des propriétés émergentes, qui vont lui permettre de mieux résister aux menaces.

Nota : un banc de sardines qui bouche l’entrée du port de Marseille, ce n’est pas une propriété émergente, c’est une légende.

Observons maintenant un cheminement de fourmis ; vous savez, ces caravanes que, tout petit vous vous amusiez probablement à couper pour voir comment la multitude de fourmis allait se disperser.
Les grands enfants que sont parfois les scientifiques se sont ‘amusés’ à couper ces convois de fourmis, mais de manière dissymétrique. Voici ce qu’ils ont observé :





Au bout de quelques minutes, les fourmis reprennent leur cheminement... par le chemin le plus court. TOUJOURS le plus court. Comment ce minuscule insecte aux misérables 5000 neurones peut-il faire preuve d’un comportement aussi intelligent ? Le monde scientifique a fini par comprendre que son secret résidait dans les phéromones que chacune dépose sur son parcours - Les phéromones sont des molécules émises par certaines espèces pour communiquer entre individus. Elles sont non odorantes contrairement à ce que l’on peut entendre parfois -. Ainsi, sur la piste, la fourmi dépose en permanence quelques molécules de phéromone que ses suivantes détectent avec leurs antennes pour en suivre la trace. Lorsqu'un obstacle bloque la voie, les fourmis désemparées partent au petit bonheur la chance espérant retrouver des traces de phéromones. Elles s’éparpillent donc équitablement au début entre le tracé le plus court et le plus long. Mais au bout d’un moment, sur le tracé le plus court, les traces de phéromones vont être plus intenses et plus de fourmis vont donc le suivre. Les fourmis supplémentaires vont donc à leur tour intensifier les traces de phéromones et ainsi de suite jusqu’à ce que celles du trajet long le délaissent totalement pour cause de phéromones insuffisantes. Et le tour est joué : des centaines d’individus, par un comportement individuel basique, ont ainsi permis à l’ensemble d’avoir un comportement bien plus élaboré, et de faire émerger une propriété nouvelle (être capable de trouver le chemin le plus court). Cette propriété émergente s'applique non plus à l'individu mais au système du niveau supérieur : la communauté de la fourmilière.

   Monsieur + : Comment les fourmis parviennent-elles à faire des cimetières géants avec des centaines de cadavres de leurs congénères ?



Encore un coup d’une propriété émergente, vous vous en doutez. Comme toujours, quelques règles simples du type :

‘‘ Fourmi :

1- Dès que tu croises en chemin un cadavre de congénère tu le ramasses et le transportes avec toi.

2- Dès que tu croises en chemin un tas de cadavres, tu y déposes celui qu’éventuellement tu transportes.

3- Si après avoir croisé un tas de cadavres, tu rencontres un tas de cadavres plus gros, tu vas transporter toutes celles du plus petit vers le plus gros.’’

Ainsi se constitue en final un tas de cadavres énorme. Et grâce à l’observation de ce type de propriété émergente, les spécialistes en intelligence artificielle ont construit de grandes équipes de robots, simples mais nombreux, qui au final obtiennent de bien meilleures performances qu’un énorme, perfsctionné – et coûteux - super-robot


Dans votre cerveau, les sardines ou les fourmis représentent les neurones. Ils sont cent milliards. Ce nombre phénoménal permet de faire émerger des propriétés bien supérieures à celles de chaque neurone pris individuellement comme la possibilité de créer une image mentale, une idée…. Dans ces propriétés émergentes grâce au bazar des réseaux neuronaux, réside le premier secret du cerveau.

   Monsieur + : C'est bien votre histoire de fourmis, mais à quoi çà mène ?



Des fourmis artificielles (des neurones artificiels mobiles en quelque sorte) ont été créés pour résoudre le problème dit du "Voyageur de commerce "qui doit passer par 15 villes différentes. Il y a plusieurs milliards de possibilités. Laquelle est la plus intéressante en terme de distance parcourue ?:
Marco Dorigo de l'université libre de Bruxelles a "lâché" des fourmis artificielles qui laissent traces de leur passage qui s'estompe avec le temps , phéromones artificielles. Les parcours optimaux apparaissent alors à l'écran puisque ce sont les plus fréquentés. Ainsi, à partir de quelques règles simples comme de laisser une trace derrière soi qui s’estompe au bout d’un certain temps, émerge à l’échelle supérieure une propriété qu’aucun élément du système ne possède individuellement. Mais vue globalement, avec du recul, cette propriété ressemble à de l’intelligence.
Les plus récalcitrants d'entre vous vont me dire : c'est bien joli, mais ce n'est pas tous les jours que je dois aller dans 15 villes différentes pour passer mes vacances !
Certes, mais toutes les entreprises de livraisons rencontrent ces difficultés d'optimisation de parcours. Ainsi aux USA, Air Liquide utilise depuis longtemps un logiciel d'intelligence artificielle basé sur le comportement collectif des fourmis pour livrer ses produits dans plus de 6 600 lieux de distribution.
Autre application basée sur le fonctionnement des fourmis pour leur cimetière (cf ‘Monsieur + ci-dessus) : plutôt que de réaliser un seul robot hypercomplexe pour assurer une tâche complexe, les concepteurs préfèrent désormais pour certaines tâches, l’option de construire plusieurs robots simples, fonctionnant avec des règles simples. Leur efficacité s’avère alors souvent supérieure.


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