Archive for : March, 2016

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L’Inhibition, source de régression ou de progression ?

InhibitionL’inhibition a mauvaise réputation : Plusieurs types d’inhibitions reflètent des troubles psychologiques plus ou moins lourds. Coté entreprises l’inhibition a la réputation de brider la créativité.

La réalité cérébrale, telle que nous la connaissons désormais, est pourtant celle d’une fonction indispensable, et le plus précocement possible. Ceux qui ne parviennent pas à inhiber certains circuits émotionnels en particulier, connaîtront plus de difficultés, dans leur vie professionnelle comme dans leur vie personnelle. Plusieurs études ont récemment confirmé cela.

Commençons par la plus célèbre, dont les résultats sont désormais bien connus.  Elle a été conduite à partir de 1972 par le psychologue Walter Mischel de l’université Stanford sur 400 sujets, et renouvelée plusieurs fois. Tout récemment encore l’Université de Pennsylvannie a suivi 1000 enfants pendant plus de trois décennies, depuis leur naissance jusqu’à l’âge de 32 ans, pour étudier leur trajectoire de vie. : des enfants sont invités à s’asseoir devant un délicieux marshmallow.Chamallow inhibition

L’expérimentateur leur dit simplement :” Je vais te laisser seul et revenir dans 15 minutes. Si à mon retour, tu n’as pas mangé le marshmallow, je t’en donnerai un second et tu pourras alors manger les deux. Si tu as mangé le marshmallow, nous en resterons là.”

Ci-contre en images un rapide échantillon des stratégies incroyables ou adorables adoptées par les enfants
qui ont été dès lors classés en 2 groupes : ceux qui avaient résisté à la tentation pour une récompense ultérieure et ceux qui avec succombé à la sensation immédiate, quitte à ce qu’elle soit moindre au final. Une trentaine d’année plus tard, les résultats parlent d’eux-mêmes :      Le groupe qui a pu résister à la tentation pour doubler la mise connait 3 fois moins d’addictions, 3 fois moins de casiers judiciaires remplis, au moins 2 fois moins de problèmes de santé, et a de bien meilleurs revenus.

L’inhibition a probablement du bon pour le développement comme le pensent depuis quelques temps maintenant les psychologues: un jeune enfant qui l’on fait choisir entre une rangée plus longue de bonbons plus espacés et une rangée plus courte avec moins de bonbons va dans son plus jeune âge choisir la rangée la plus longue. Lorsque l’enfant aura suffisamment de maturité, vers 6-7 ans,  il inhibera le schéma ”plus long = plus de bonbons” au profit du schéma ”c’est le nombre de bonbons et non la longueur qui compte”, pour choisir la plus courte.

oreille - boucheD’ailleurs, dans certaines écoles aujourd’hui, on apprend aux jeunes enfants à inhiber leur parole pour savoir écouter. Un exercice parmi d’autres : les enfants doivent à tour de rôle inhiber leur besoin de parler pour écouter l’autre, en fonction des logos qui leur sont présentés (cf ci-contre à gauche).

A l’autre bout de la vie, plusieurs études récentes suggèrent qu’un déclin au niveau des processus inhibiteurs pourrait jouer un grand rôle dans les modifications cognitives associées au vieillissement normal, mais aussi dans celles qui sont observées lors des stades précoces de la maladie d’Alzheimer.

Poursuivons dans le domaine de la créativité. Contrairement à ce que l’on peut croire, pour être super créatif, il faut savoir inhiber. Par exemple, pour pouvoir imaginer le plus de solutions possibles à un problème donné, il faut savoir inhiber les solutions ”classiques” qui viennent en permanence à l’esprit, les mettre de coté, afin que puissent émerger les solutions nouvelles de nature totalement différente. Nous évoquerons le Déficit d’Inhibition Latente et sa relation possible avec la créativité dans un autre post.

Conclusion : L’inhibition est  meilleure conseillère que ce que l’on imagine habituellement. Il ne s’agit pas bien entendu pas de se brider, mais bien au contraire, de développer la maîtrise de soi, la gestion  de ses émotions, ou encore l’identification de ses schémas routiniers de pensée et de ses automatismes. L’imagerie cérébrale a permis de repérer un réseau de neurones qui confère, à partir de ce que l’on a appelé l’âge de raison chez les enfants, une capacité nouvelle fondamentale pour notre développement : celle d’inhiber nos automatismes.

Références :
 ”Le raisonnement” PUF, “Que sais-je ?”, 2014,  par Olivier Houdé,  lauréat de l’Académie des Sciences
”L’intelligence se construit par l’inhibition”  par Olivier Houdé dans mensuel ”La Recherche” n°457
 “Deficits in inhibitory processes in normal aging and patients with Alzheimer’s disease : a review” – Psychology NeuroPsychiatry, vol. 5, n° 4, décembre 2007

 

 

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Etes-vous coq ou chouette ? Autrement dit, votre chronotype vous conduit-il à être du matin ou du soir ?

Nous appartenons quasiment tous à l’une de ces deux catégories, les couche-tard  et les lève-tôt. Seuls 10% d’entre nous oscillent entre coq et chouette.

HorlogeLa génétique influe grandement sur le camp auquel nous appartenons. Plus d’une dizaine de gènes ont en effet été identifiés comme intervenant dans le fonctionnement de notre horloge interne.

Celle-ci assure le rythme de base autour de 24 heures, et elle est recalée par la lumière solaire (cf post ” Votre cerveau est-il suffisamment éclairé ?”). Les lève-tôt, dont 60% sont des femmes, sont un peu plus nombreux que les couche-tard.

Les gènes ne sont pas les seuls à nous rendre matinaux ou pas. L’hygiène de vie joue son rôle, mais l’âge également, surtout au cours de deux périodes de la vie :

  • L’adolescence qui voit l’horloge biologique reculer de une à 2 heures en général. Ne vous épuisez donc pas à vous battre contre vos ados qui veillent tard et ne se lèvent pas les matins de week-end.  Leur cycle est décalé, et rassurez-vous, il reprendra sa place normale à l’âge adulte.
  • Les 3ème et 4ème âges qui voient au contraire l’horloge biologique s’avancer. Leur fonctionnement chronobiologique connait par ailleurs quelques ratés : pendant la nuit la sécrétion de mélatonine, l’hormone dite du sommeil, a tendance à devenir de plus en plus irrégulière, expliquant les troubles du sommeil fréquents à ces âges.

SablierConclusion : observez un marché du début à la fin, particulièrement en week-end lorsque les contraintes professionnelles ne faussent pas la donne : les personnes âgées arrivent en premier, puis ce sont les adultes dans la force de l’âge, et enfin les jeunes, la tête encore dans le cirage…

Nous sommes tous assujettis à notre horloge interne. Apprenons à y être attentifs pour optimiser nos performances ! Ce sera l’objet d’un prochain post. A bientôt !

Référence : Y.HHu & al. Individuals identifies genetic variants associated with self-reporting of being a morning person – Nature Communication – Février 2016
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La minute qui peut sauver… le cerveau de votre enfant

Pendant la grossesse, le cerveau de l’embryon, qui deviendra entre 8 et 10 semaines un fœtus, va jouer une symphonie extraordinaire.
En quelques dizaines de jours, près de 100 milliards de neurones vont migrer depuis les profondeurs du cerveau vers la surface du cortex, là où séjournera l’immense majorité de nos neurones pendant toute notre vie. Ils vont se disposer selon 6 couches superposées qui vont se bâtir de façon comparable aux étages d’un bâtiment : la 6ème située au-dessus, contre la boîte crânienne, sera achevée en dernier.

Ces migrations nécessitent tellement d’informations qu’il est impossible que l’ADN puisse les piloter toutes. Les neuroscientifiques ont d’ailleurs découvert certaines molécules indiquant à chaque neurone où il devait se positionner. Encore une fois la chimie joue un rôle fondamental dans le fonctionnement cérébral. C’est pourquoi il convient entre autres de prêter une attention spécifique à toutes les molécules particulières qu’une future maman peut absorber pendant sa grossesse.Embrion

Et les occasions sont nombreuses :

  • Médicaments
  • Tabac
  • Alcool 
  • Drogues
  • Pesticides…

Les risques sont connus :

* Pourtant, 22 % des femmes enceintes fument encore tout au long de leur grossesse.

* Pourtant, 8000 nouveaux-nés  sur 800 000 en France sont atteints du syndrome d’alcoolisation fœtale, la conséquence la plus grave liée à l’absorption d’alcool pendant la grossesse, provoquant notamment un retard mental sévère. C’est même la première cause de handicap mental d’origine non génétique en France ! Le risque dépend sans surprise de la quantité d’alcool ingérée, mais il faut prendre conscience qu’il apparaît dès la première goutte d’alcool.

* Pourtant, l’acide valproïque (Dépakine®) pouvait être encore délivré il y a peu à des femmes enceintes pour le traitement des épilepsies, (les fœtus courent un risque de déficit cognitif comme l’autisme, alors que le doute existe depuis 1982 et que des neuroscientifiques comme Y. Ben Hari  Grand Prix de l’INSERM 2009, le signalent depuis des années). Même si la pharmacovigilance a progressé depuis, le traumatisme causé par la thalidomide (médicament anti-nauséeux qui entraîna plus de 10 000 naissances avec malformations au début des années 60)  est oublié aujourd’hui.

Le mode de vie, les émotions fortes ou prolongées pendant la grossesse, peuvent également influer sur le cerveau du nouveau-né. En effet, plusieurs études indépendantes ont montré que si la mère était trop stressée, trop anxieuse ou trop déprimée pendant la grossesse,  certains problèmes pouvaient apparaître : troubles affectifs, trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), ou encore un développement cognitif altéré.

Dans la partition de la symphonie  neuronale pré-natale, le tempo est également vital. Tous les processus sont rythmés quasiment à la journée près et tout retard significatif dans le mouvement entraînera à la naissance des anomalies plus ou moins graves. Par exemple, si la migration des neurones vers la surface du cortex est perturbée par une molécule dont la présence dans le cerveau est inopportune, ceux-ci n’atteindront pas leur destination finale et des troubles correspondants seront irréversibles.

En résumé :Zen

Chères futures mamans, vous pouvez rester cool pendant votre grossesse : pas de paranoïa mais juste un redoublement de la vigilance pour TOUT ce que vous  absorbez pendant cette période sensible. Et ménagez-vous, vous serez les plus Zen possible… ce qui n’ aura que des conséquences bénéfiques.

Références :

Talge NM, Neal C, Glover V. ”Antenatal maternal stress and long-term effects on child neurodevelopment” Journal of Child Psychology and Psychiatry – 2007
O’Connor TG & al. ”Maternal antenatal anxiety and children’s behavioural/emotional problems at 4 years” – British Journal of Psychiatry 2002
Yehuda R & al. ” Transgenerational effects of posttraumatic stress disorder in babies of mothers exposed to the World Trade Center attacks during pregnancy.” Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism – 2005
Stéphanie Toutain – Université Paris Descartes – Enquête sur l’alcool auprès des femmes enceintes.